bildo kvarsezona de Obernai Familio Hurstel, en Obernai

Accueil du site > Kiuj ni estas > Articles - Artikoloj > Pourquoi l’espéranto doit se professionnaliser et entrer dans le (...)

Pourquoi l’espéranto doit se professionnaliser et entrer dans le champ commercial ?

vendredi 16 février 2007, par cyrille


Quand j’étais enfant, je passais plusieurs heures par jour à jouer au basket et nous avions coutume de dire de quelqu’un qu’il est un professionnel, lorsqu’il savait tout faire avec la balle, dans tous les compartiments du jeu. Plus tard j’ai découvert qu’au début du vingtième siècle, les sportifs professionnels étaient exclus des jeux olympiques. Il ne s’agit visiblement pas de la même définition du mot professionnel. Pendant longtemps, le rugby est resté « amateur ». Qu’est-ce que cela signifiait ? Tout simplement que des entreprises « amies » des clubs employaient des joueurs passant leur temps à s’entraîner. Mais le comportement des joueurs lors des troisièmes mi-temps était peu compatible avec les valeurs éthiques défendues par ce sport, sans compter le niveau de jeu qui n’égalait plus celui des athlètes des nations passées au professionnalisme. Un autre exemple peut être trouvé dans le basket universitaire américain, générant un énorme marché financier au point que des illettrés étaient admis dans certaines universités juste pour jouer dans l’équipe ! Faut-il pour autant supprimer le sport universitaire, interdire les spectateurs ? Si l’on ne peut s’opposer à la marchandisation, il faut alors l’accompagner et la gérer. Les étudiants pourtant créateurs de la richesse commerciale étaient les seuls à ne pas toucher un kopeck ! Où est la justice dans ces conditions ? Pourquoi ces gens devraient-ils jouer et générer des profits sans être payés ? A l’inverse, le jeu peut-il exister sans qu’aucun profit ne soit généré ? Oui s’il n’intéresse presque personne, comme beaucoup de sports olympiques qui sortent du désert médiatique tous les 4 ans, pour y replonger le lendemain. Les athlètes de ces sports repartent alors à l’entraînement dans l’anonymat alors que les idoles de quelques sports repartent engranger les cachets. Où est la justice ? Vaut-il mieux être un sportif riche et adulé ou un sportif inconnu et ignoré ? Lequel a le plus de chances de promouvoir les valeurs qu’il défend auprès de la population ?

Si l’on transpose à la lutte que les langues mènent entre elles, et nous savons bien que l’espéranto est un combat contre les idées reçues et les préjugés dans les médias de masse, nous arrivons à la question suivante : Peut-on faire la promotion d’un espéranto qui resterait « amateur » ? Peut-on continuer à proposer une reconnaissance officielle sans avoir les professionnels de l’enseignement ? Je pense que non. La qualité, et donc les méthodes utilisées par les professionnels pour l’enseignement des autres langues, doivent être au moins égalées. Mais alors, est-il possible d’atteindre ces objectifs sans faire de commerce, vendre des prestations en espéranto ou autour de l’espéranto ?

Un professionnel de l’espéranto est quelqu’un qui gagne sa vie au moyen de l’espéranto. Où est donc le problème ? Pas dans la moralité car il n’est pas plus immoral de gagner sa vie par l’espéranto que par toute une autre activité, mais tout simplement que cela nourrit assez mal son homme pour l’instant. Le problème du marché actuel de l’espéranto est justement que ce marché n’existe pas. N’importe quelle connerie écrite ou chantée en anglais a plus de chance de se vendre qu’un bijou produit en espéranto, surtout depuis que toute la planète accepte d’écouter des paroles qu’elle ne comprend pas. Quel groupe de musique va produire ses chansons pour n’en vendre que quelques unes, qui va s’intéresser à un marché planétaire de 500 disques ?

Pour l’instant, nous sommes dans la phase d’initialisation du marché, nous appâtons le chaland, et nous distribuons un produit de qualité, mais gratuit car la demande n’existe pas encore. Ce n’est pas différent de ce qui s’est passé sur le marché du téléphone mobile ou du haut débit, pour lequel les téléphones ou les modems étaient vendus à un tarif dérisoire. L’espéranto, dont l’apprentissage est aujourd’hui gratuit, est en cohérence avec son utilité, à peine supérieure à la possession d’un téléphone au début du vingtième siècle. La probabilité de s’en servir de façon fortuite à l’étranger est si faible, que nous avons du mal à faire face à cet argument. Arrêtons de rêver et d’espérer changer la nature humaine. Les humains se saisiront de l’espéranto si cela va dans leur intérêt et non pas par humanisme, cessons de stigmatiser le commerce par l’espéranto, car le développement de ce marché est la voie du développement de l’usage de l’espéranto. Raisonnons en termes économiques, développons nos activités, et le meilleur moyen pour y arriver est de solvabiliser des entreprises autrement que par des dons. Analysez, imaginez et vendez des produits et services !

Le marché de l’espéranto présente de fortes similitudes avec le marché des télécommunications.
- Les coûts fixes sont importants (Apprendre une langue nécessite du temps tout comme le déploiement d’une infrastructure qui dessert chaque foyer).
- Un acteur dominant est déjà en place (L’anglais tout comme le sont les anciens monopoles nationaux de téléphonie).
- L’effet de réseau rend le démarrage incertain car la valeur de l’apprentissage d’un individu dépend du nombre d’autres personnes qui a fait un effort similaire, tout comme la possession d’une adresse électronique est inutile si vos correspondants gravent des tablettes d’argile.
- Les rendements marginaux sont croissants ; une fois que l’œuvre est traduite, que la langue est maîtrisée, de nouvelles potentialités insoupçonnées apparaissent. Personne n’avait prédit que l’accès internet à haut débit serait vendable à 20 euros par mois et par foyer en réutilisant les fils de cuivre du téléphone, ni qu’il suffirait pour vendre de la vidéo à la demande. Tous n’y ont pas accès ? Peu importe, un nombre suffisant permet d’amortir l’investissement et de rendre l’affaire rentable. De la même manière nous n’avons pas besoin d’une décision politique à l’unanimité des 25 de l’Union Européenne. Deux grands états ayant de nombreux échanges commerciaux suffisent. Comme pour la fibre optique si chère à l’investissement, et dont on ne sait pas exactement à quoi elle va servir, il est évident que les bénéfices seront fabuleux une fois les coûts fixes amortis. Dans notre cas, les coûts fixes sont constitués par la formation des enseignants, tandis que les promesses de profits et services inconnus sont bien supérieurs à ce que nous expérimentons déjà dans les rencontres entre espérantophones. Jusqu’où irez-vous ?

Pensons économiquement, cherchons les marchés, développons les. Du côté de la production, il faut industrialiser pour amortir les coûts fixes, c’est-à-dire former plus vite et moins cher pour des choses qui par le passé étaient novatrices, et qui désormais deviennent communes. Dans notre cas, il faut industrialiser l’enseignement, la « production » d’une personne ayant le niveau Atesto pri kapableco doit être plus rapide et moins chère. Les réseaux informatiques, les méthodes d’enseignement à distance, les licences Creatives Commons sont là pour cela et sont l’environnement dont nous avons besoin. Ce sera notre distribution de téléphone portable à 1 euro ! Du côté des débouchés, il faut accompagner la demande et le climat de l’opinion. Quelles sont les solutions face à la langue unique dominante qui écrase toutes les cultures ? Le multilinguisme. L’enseignement paritaire bilingue dans chaque école, la moitié dans sa langue, l’autre moitié dans la langue du voisin. C’est une solution qui a fait ses preuves, et en enseignant 19 langues à chaque européen, tout le monde peut se comprendre avec une probabilité acceptable de langue commune dans un groupe de citoyens. Est-ce une utopie ? Pour sûr, mais elle est politiquement appréciée tant l’espéranto est ignoré. Nous, espérantophones, savons que cela ne peut fonctionner sans l’espéranto, et conduira à une demande unanime d’enseignement paritaire bilingue avec l’anglais, pendant que les anglophones verront leur conception du monde triompher. Dès le berceau nous penserons en anglais, puis rapidement seul ce qui s’exprimera en anglais deviendra pensable. La demande d’enseignement précoce des langues aux enfants existe, elle est politiquement acceptée, les cours particuliers sont vendables à 30 euros de l’heure, vendons l’espéranto propédeutique sur ce marché du multilinguisme. Avec un autre slogan commercial bien sûr. L’espéranto peut-il se propager sans que personne ne fasse d’argent avec ? Si on veut qu’il ne se propage pas, il suffira que personne ne puisse en tirer profit !

Article paru dans le monde de l’espéranto n°560, Décembre 2006. Fait nouveau apparu depuis : Triballat


Fatal error: filemtime() [<a href='function.filemtime'>function.filemtime</a>]: Stat failed for mes_fonctions.php3 (errno=2 - No such file or directory) in /mnt/109/sdb/e/0/benecyril/ecrire/public/composer.php on line 87